L’usine poison d’Aulnay

Jusqu’en 2009, ses murs de brique ourlés d’herbes folles se dressaient encore, à l’abandon, entre un pavillon et l’ancien cimetière d’Aulnay. Depuis, l’usine d’amiante du Comptoir des minéraux et matières premières (CMMP), surnommée l’« usine poison », a disparu, au terme de longs travaux de dépollution-démolition.

Parce qu’écologiste et aulnaysien, j’ai fortement soutenu cette démarche. C’est en 2008 que j’ai commencé à initier ce projet de dépollution en tant qu’adjoint à l’environnement de la ville d’Aulnay-sous-Bois. Puis, dans le cadre de ma délégation à l’Aménagement du territoire à la Région Ile-de-France, j’ai obtenu du Conseil Régional, une subvention de 2 millions d’euros. Cette somme a servi a une dépollution plus sécurisée de l’usine d’amiante, notamment par le biais de sa mise sous bulle, mais aussi à une dépollution plus exigeante des sols. Aujourd’hui et comme le relate Le Parisien ci-après, une étude préconise de retrouver les 40 000 personnes qui ont vécu, depuis 1938, à proximité de l’usine d’amiante d’Aulnay. J’encourage également cette opération. Enfin, vous trouverez  ci-dessous, le communiqué de presse du collectif des riverains et victimes du CMMP et d’autres associations : “Un dispositif de santé publique peut et doit être mis en place autour de l’ancienne usine d’amiante d’Aulnay-sous-Bois (CMMP)”.

<br />Aulnay-sous-Bois, juin 2008. Voici l’usine d’amiante du Comptoir des minéraux et matières premières (CMMP), située à côté de l’ancien cimetière, avant sa démolition. Salariés et leurs familles, habitants du quartier, écoliers… Ils sont des dizaines de milliers susceptibles d’avoir respiré des fibres d’amiante entre 1938 et 1975. </p><p>

Le chantier se termine à peine qu’un autre pourrait commencer sous la forme d’une gigantesque enquête. L’objectif : retrouver les dizaines de milliers de personnes ayant vécu, travaillé, étudié à proximité de cette usine implantée en pleine ville. Une étude inédite, commandée par l’agence régionale de santé et tout juste publiée, propose des pistes pour retrouver la population exposée aux poussières émanant de ce site qui broya de l’amiante de 1938 à 1975 et continua à en stocker jusqu’à sa fermeture en 1991.

Une précédente étude réalisée en 2007* avait déjà pointé les risques accrus de cancers de l’amiante dans le secteur. De leur côté, les associations ont recensé plus de 100 cas de maladies liées à cette fibre cancérigène. Les chercheurs du Giscop 93 (groupement scientifique dédié aux cancers professionnels) se sont concentrés sur cette zone d’exposition, à cheval sur Aulnay et Sevran. Puis ils se sont attelés à une tâche titanesque : vérifier s’il était possible de retrouver les personnes ayant été en contact avec le site. Pour cela, ils ont épluché les registres incomplets du personnel du CMMP, les fichiers des caisses de retraite et d’assurance-maladie, les archives municipales…

Proposer un suivi médical à la population à risques

Et la conclusion est positive : « On peut faire cette enquête. En croisant les registres des écoles avec ceux de la Sécurité sociale, on a retrouvé les adresses d’anciens élèves. D’autres recherches sont plus compliquées. Mais, s’il y a la volonté politique, cela devient possible », assure Emilie Counil, chercheuse à l’Ecole des hautes études de santé publique et directrice du Giscop 93.

Il y a les salariés de l’usine bien sûr (entre 730 et 1400 personnes si on inclut les familles susceptibles d’avoir respiré les fibres d’amiante rapportées à la maison dans les plis du bleu de travail), mais aussi toute la population alentour : les habitants du quartier (plus de 31000 personnes dénombrées lors du recensement de 1975), les salariés d’autres sociétés, les élèves des trois écoles qui ont ouvert entre 1920 et 1950 (8500 enfants ont fréquenté celles du Bourg I et du Bourg II entre 1938 et 1975). L’école maternelle du Bourg, en particulier, jouxtait directement le terrain du CMMP. « Ce qu’on peut dire, c’est qu’il y a au moins 40000 personnes à retrouver, mais certaines sont probablement décédées depuis », note encore Emilie Counil.

Proposer un suivi médical : c’est l’idée du Giscop 93. Pour la première fois, une enquête sur l’exposition à l’amiante permettrait de mettre en place un suivi médical de la population à risques — la maladie pouvant se déclarer des décennies après l’inhalation des fibres dangereuses. Faut-il inquiéter des personnes en bonne santé? « Ce qui est anxiogène, c’est la réalité d’avoir été exposé », rétorque Emilie Counil, qui préconise aussi la mise en œuvre d’un accompagnement psychologique.

* « Etude de santé publique autour d’une ancienne usine d’amiante, le Comptoir des minéraux et matières premières à Aulnay-sous-Bois », en ligne sur le site de l’Institut de veille sanitaire (Invs.sante.fr).

COMMUNIQUE DE PRESSE

Un dispositif de santé publique peut et doit être mis en place
autour de l’ancienne usine d’amiante d’Aulnay-sous-Bois (CMMP)
Le rapport d’étude de faisabilité de la mise en place d’un dispositif de santé
publique autour de l’ancienne usine de broyage d’amiante CMMP d’Aulnay-sous-
Bois, élaboré par le Groupement Scientifique GISCOP 93, a été présenté le 8
février 2013 au siège de l’Agence Régionale de Santé (ARS) à Bobigny. Les
représentants des associations, du comité de pilotage de la ville d’Aulnay et du
service pneumologie de l’hôpital Robert Ballanger, présents, et les autorités, ont
été unanimes à saluer la qualité de cette étude, première du genre, à portée
nationale, voire internationale.
Ce rapport démontre qu’il est possible de retrouver les cohortes de personnes
ayant pu être contaminées par les poussières d’amiante dues à l’exploitation de
cette usine implantée en plein centre ville durant des décennies (pages 130 à 139
du rapport). C’est indispensable pour qu’elles puissent bénéficier d’un suivi
médical et pour que les malades et les familles de personnes décédées puissent
faire valoir leurs droits. Il est important de rendre enfin visible les conséquences
de cette véritable catastrophe sanitaire pouvant, par ailleurs, faire école pour
d’autres sites industriels semblables en France.
Les présents à cette réunion sont tombés d’accord également sur la priorité à
donner à la recherche des personnes à partir des registres des élèves des 3 écoles
voisines de l’usine particulièrement exposées par leur proximité et la circulation
des camions transportant l’amiante sur le chemin des écoles (pages 62 à 67).
L’étude a évalué la zone de dispersions des poussières d’amiante. Elle a géolocalisé
les pathologies recueillies depuis 13 ans par les associations qui ont
recensé plus de 100 cas (pages 24 à 29). Elle souligne également les répercussions
de la co-exposition et l’effet multiplicateur de l’amiante, du zircon (radioactif) et
de la silice, déclenchant outre les maladies classiques de l’exposition à l’amiante
(asbestose, plaques pleurales, cancers du poumon ou de la plèvre), d’autres
pathologies (cancers des ovaires, du larynx, du pharynx, silicose, voire d’autres
atteintes tumorales en lien avec la radioactivité).
Les auteurs de ce communiqué demanderont audience à Monsieur Évin et à
Madame la Ministre de la Santé afin que soit mis en place dans les plus brefs
délais, un dispositif de recherche active et d’accueil pluridisciplinaire capable
d’assurer le suivi post-exposition des populations concernées et la recherche des
malades, selon les préconisations de l’étude (pages 113 à 125). Ce dispositif devra
prendre en compte la place spécifique d’Aulnay et de Sevran comme épicentre de
l’exposition liée à l’ex-usine d’amiante d’Aulnay-sous-Bois.
Compte tenu de son intérêt général et par souci de transparence vis-à-vis des
habitants d’Aulnay, les soussignés demandent à l’ARS de mettre immédiatement
en ligne l’étude sur Internet, comme l’a fait l’InVs pour le rapport de la CIRE.
Aulnay, le 25 février 2013

Docteur Marc Mathieu, service pneumologie hôpital Robert Ballanger
Docteur Maurice Allouch, directeur du Comité de pilotage de la ville d’Aulnay
Collectif des riverains et victimes du CMMP : Gérard Voide
Ban Asbestos France : Annie Thébaud-Mony
Addeva 93 : Alain Bobbio
Aulnay Environnement : Robert Halifax
Monsieur Gérard Ségura, Maire d’Aulnay-sous-bois
Madame Evelyne Demonceaux, Adjointe à la santé, membre du Comité de pilotage

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