Ne pas brader la protection de la nature à tous les niveaux

Étonné des directions que prennent les politiques de protection de la nature et de certaines prises de position “étonnantes” de Conseils d’administration de Parc nationaux français, dont celui de la Vanoise, vous trouverez ci-joint la lettre ouverte d’un membre du Conseil national de la protection de la nature (CNPN), administrateur de la FRAPNA régionale.

NATIONALISONS LES PARCS NATIONAUX FRANÇAIS !

Par Raymond Faure

Membre du Conseil National de la Protection de la Nature (CNPN) depuis 30 ans et administrateur FRAPNA, Fédération Rhône-Alpes de protection de la Nature.

Le 7 Novembre 2012

“Le loup est une espèce dynamique qui va essayer de s’implanter, mais nous n’allons pas l’éradiquer avec la règlementation actuelle. C’est pourquoi nous demandons une révision de la législation nationale”. Cette déclaration suffirait à faire bondir si elle émanais d’une organisation quelconque. En vérité, ces propos sont tenus par le Président et le Directeur du Parc National des Cévennes qui demandent, au nom du Conseil d’Administration de l’établissement public « que le parc soit reconnu comme zone d’exclusion pour le loup » et réclament « des tirs de défense dans la zone cœur où ils ne sont pas autorisés aujourd’hui ». Mais le cauchemar ne s’arrête pas là, puisque les éleveurs présents au CA ont aussi abordé le sujet « des vautours qui survolent en nombre les gorges du Tarn et qu’il faut réguler », dixit le Président du même Parc National.Plus de doute, on touche le fond : au XXIe siècle, l’illettrisme écologique ravage toujours notre France profonde.Si les grands prédateurs – loup, ours, lynx – n’ont pas leur place au cœur des Parcs Nationaux, à quoi ces derniers servent-ils ? Ce débat économico-syndicalo-politique est classique : il fait rage depuis 50 ans et s’est amplifié à chaque création d’un nouveau Parc. Ne pas accepter le loup dans les Parcs Nationaux ou les réserves, c’est rejeter l’idée même de prédation, c’est piétiner la biodiversité avec pour conséquence la condamnation de toutes les politiques environnementales définies par le Grenelle de l’Environnement et la Conférence Environnementale.
Si le monde agricole est incapable de cohabiter ou de supporter quelques prédateurs qui lui chapardent 2 ou 3 moutons dans les Parcs Nationaux, soit sur moins de 1 % du territoire national, comment espérer mettre en œuvre la réduction de 50 % des pesticides en 2017 sur les 99 % du pays ?

Des voix d’écologues et d’écologistes s’élèvent aujourd’hui pour dénoncer ces Parcs Nationaux qui ne sont que des parodies. L’État a confié la gestion de l’intérêt général de la Nation à des élus locaux incapables de résister aux représentants des intérêts particuliers qui rêvent de transformer les Parcs Nationaux en Parcs Régionaux. Le but est à peine caché : lever toute contrainte pour développer des activités économiques (ski, chasse, immobilier, spéculation foncière, surface pastorale subventionnée…).

Personne ne le nie, le loup est un perturbateur pour les éleveurs qui se voient contraints de modifier leurs habitudes de gardiennage des troupeaux et qui cherchent désespérément un bouc émissaire alors que les principales difficultés de leur filière relèvent de la mondialisation des flux de viande.

Si le loup n’est pas menacé à l’échelle européenne et que la France s’en est passée pendant ces 80 dernières années, son retour est néanmoins indispensable. D’abord comme indicateur biologique, mais surtout comme marqueur du niveau de notre “culture écologique”.
Avec quelques loups et le fameux changement de paradigme qui en résultera, les plans biodiversité, SCAP, plans de restaurations et autres trames vertes et bleues auront peut-être des chances de ne pas rester de simples incantations.
Face à la complexité de ce débat de société, les associations environnementales pragmatiques ont depuis longtemps amorcé le dialogue avec le monde rural et les instances agricoles. Très souvent, les protecteurs ont accepté des compromis, comme la régulation des cormorans et de quelques loups.

Ces tentatives vers la recherche de solutions intelligentes doivent s’interrompre immédiatement! Non pas à cause du loup qui n’est qu’un épiphénomène, mais pour faire suite à la campagne calomnieuse des organisations agricoles qui tentent d’amalgamer dans le même discours le loup et le vautour.
Confondre prédateurs et nécrophages est une insulte à la science, à l’intelligence, au simple bon sens. Comme on ne peut pas imaginer le monde rural à ce point inculte, il ne peut s’agir que d’une provocation non gratuite préméditée. Les organisations agricoles viennent de commettre une erreur historique en prenant les vautours en otages, car les associations environnementales étaient suffisamment ouvertes pour contribuer à trouver des solutions à la problématique loup. Le “coup” des vautours lancé depuis les Pyrénées via les Alpes est le coup de trop. Dès cet instant, plus aucune association de protection de la biodiversité ne doit perdre son temps à discuter avec des interlocuteurs falsificateurs et manipulateurs.

Cet obscurantisme appelle une riposte immédiate et massive des scientifiques, des ONG et des millions de Français attachés à la protection de la natureL’état doit prendre ses responsabilités. La loi Giran sur les Parcs français doit être réécrite. Le scandale du Parc des Cévennes et les embrouillaminis du Parc de la Vanoise démontrent aujourd’hui combien cette loi de 2006 porte en elle tous les ingrédients de la dérive des Parcs Nationaux.Le ministère de l’Écologie doit dissoudre le Conseil d’Administration du Parc des Cévennes qui confond le rôle d’administrateur de Parc National avec celui d’administrateur d’une zone rurale à vocation commerciale.

Enfin, puisque tout le monde s’accorde pour considérer que prédation et pastoralisme sont incompatibles et qu’il faut créer des zones d’exclusions, commençons par le plus évident : déclarons les Parcs Nationaux zones d’exclusion totale pour toutes les activités agro-pastorales.
A ce stade de l’histoire de la protection de la nature, toute faiblesse condamnerait les fondements de la préservation de la biodiversité, ou tout au moins ce qu’il en reste.La protection de la nature est née en 1970, quand il a fallu se battre pour sauver l’intégrité de la Vanoise, premier Parc National français. En 2012, c’est le Parc des Cévennes qui est menacé. Nous devons nous mobiliser d’urgence pour obtenir la renationalisation des Parcs Nationaux français, à l’image de ceux de tous les pays du monde.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *